Le sable éternel
Tombouctou la Mystérieuse !
A un pas et demi du fleuve,
A zéro mètre du désert,
Sous le vaste ciel saharien,
Un paysage à bord du chagrin
Laissant voir les dunes de sable
S’étendant à perte de vue.
Des nuages de poussière,
Des épineux mourant de soif,
Des piquets de tentes nomades,
Des enclos et des huttes de paille,
Des maisons en banco Revêtues de calcaire,
Une, deux, trois mosquées célèbres,
Des familles de cordonniers, de maçons, de bouchers,
Des hommes séduisants
Et des femmes gracieuses,
Des petits enfants poussiéreux,
Une population flottante
Plus nomade que sédentaire,
Le coq, la poule et ses poussins,
Le bouc, la chèvre et le mouton,
Le chien, le chat et la souris,
La viande, le thé et le sucre,
Les pilons entre les mortiers,
La calebasse du mendiant,
Et c’est la cité mystérieuse,
La vieille ville de Bouctou.
Avez-vous déjà visité Tombouctou,
Tombouctou la ville mystérieuse ?
Cité célèbre du savoir, sœur de Djénné ?
Depuis Koroyomé, Kabara ou son aéroport ?
Jusqu’aux dunes de sable battant du Sahara,
Repoussant le fleuve Niger Vers la terre des Askias.
Poème
Hamadoun Tandina
Un sage sous le Baobab
Oumou Gounou rentrait chez elle. Cela faisait plu sieurs mois qu’elle n’avait pas vu sa famille, elle avait hâte de voir sa deuxième sœur, sa préférée. Elle partait en pirogue collective, de grandes chaloupes où ils entassaient les gens sans se préoccuper de la sécu rité. Parfois le bateau était si chargé qu’il suffisait de sortir la main pour toucher l’eau du fleuve. Mais cette fois-ci, Oumou Gounou avait de la chance. C’était la fête de la Tabaski et le bateau embarquait plus de cent cinquante moutons pour cette fête. Ils étaient peu de passagers à partir et on apprêta une petite pirogue qu’on amarra à la plus grande. À son bord, le cuisinier de l’équipage lui avait dit que seulement deux autres personnes voyageraient avec lui. Le trajet s’annonçait plus confortable et calme. Oumou Gounou s’installa à l’avant et attendit. Un vieux monsieur la rejoignit. Elle le reconnut. C’était Salif, le conservateur des livres de la bibliothèque de Tombouctou.
Oumou Gounou respectait profondément cet homme qui était un puits de savoir et de sagesse. Puis ce fut le tour d’une Blanche. Une touriste évidemment. Oumou Gounou trouva étrange qu’elle voyageât seule, les blancs voyageaient toujours à deux ou plusieurs. Après le départ, Salif vint à ses côtés.
— Je te connais, toi. Tu viens d’Endé n’est-ce pas ? Rentres-tu chez toi pour la fête ?
Oumou Gounou lui répondit que oui, elle rentrait retrouver sa famille. Alors nous irons ensemble de Mopti à Endé car je suis attendu dans ton village.
— Vous allez à Endé ? J’y vais aussi. C’était la jeune femme qui avait parlé. Elle s’approcha d’eux.
— Ah ! Tu dois être Chiara alors… Elle acquiesça. Salif regarda Oumou Gounou.
— Nous allons inaugurer un puits près de chez toi.
— Ah… Je comprends.
Oumou Gounou esquissa un sourire gêné, la jeune Italienne le remarqua.
— Tu n’as pas l’air content que nous venions installer un puits… Ça va apporter l’eau près de chez toi, tu sais…
Oumou Gounou était confuse, elle ne savait comment lui dire sa pensée.
— Chiara, écoute-moi, je vais te raconter une histoire.
Salif jeta son regard sur l’étendue d’eau majestueuse. La pirogue voguait à vive allure maintenant et la nuit tombait sur le fleuve Niger. La rivière était devenue argentée et, sur les rives, on devinait les ombres des habitants de ces contrées sauvages. La voix de Salif glissa sur la nuit, il les emmena sous les cieux de l’Éthiopie.
— J’étais un jeune médecin. Je finissais un stage de formation. Une association avait financé un forage pour le village voisin. Nous étions contents, nous avions l’eau… Puis un soir.
Il s’arrêta, son visage s’était contracté.
— J’avais une amie, Jamila. Elle était belle, la plus belle de toutes. Elle plaisait à tous les garçons et elle n’était pas très sérieuse… Elle se laissait séduire. Un soir, tard dans la nuit, je la trouvai grelottante et couverte de sang. Elle avait fait comme de nombreuses jeunes filles auparavant. Elle avait voulu perdre le bébé qu’elle atten dait avec la pompe du forage. Je l’ai soignée, personne n’a jamais rien su. Quelques années après, elle s’est mariée. Elle a eu trois fils. Ils vont tous à l’école ; ils sont beaux, ses enfants… C’est une histoire qui s’est bien terminée, mais tu vois, Chiara, je pense toujours à elle quand on me demande de bénir un nouveau puits. J’espère que les jeunes filles du village ne répéteront pas l’acte de Jamila ou qu’elles auront autant de chance qu’elle.
— Je ne suis pas sûr de comprendre la morale de cette histoire…
Chiara semblait un peu perdue.
— La morale ? Arrêtez de construire des puits en Afrique et investissez dans les robinets ! Oumou Gounou s’était emportée, à tel point que Salif lui fit signe de se calmer. Il sourit à Chiara.
— Les gens… Il se reprit.
— Nous avons tendance à croire que le puits résout tout. C’est une solution mais seulement s’il est entretenu, si l’eau est contrôlée après… Si la population locale est impliquée et comprend son utilisation… Il ne s’agit pas de construire un puits et puis de s’en aller. Il faut penser à éduquer, à discuter avec les communautés, à instaurer des contrôles réguliers sur la qualité de l’eau, à entretenir le forage… À s’assurer que les femmes vont accepter le puits… C’est très important. Très important.
Quelques jours plus tard, Oumou Gounou fut invitée à la bénédiction de l’emplacement pour le nouveau puits. Elle arriva en retard car elle avait dû travailler au champ avec ses sœurs. Elle trouva une vingtaine d’hommes accroupis sous un baobab. Quelques pierres signalaient où se trouverait le futur puits. Chiara était sur le côté, elle était assise et attendait en silence la fin de la cérémonie. Elle était accompagnée d’une jeune femme blanche. Après la prière, Salif s’approcha de Chiara. Ils parlèrent du puits. Dans le cours de la conversation, Oumou Gou nou comprit que les jeunes femmes resteraient un an à Endé. Elles s’assureraient que la communauté soit for mée à l’utilisation du puits. Mais ce n’était pas la seule bonne surprise, le puits serait construit par deux jeunes du village. Chiara devait les former pour qu’ils puissent s’occuper de l’installation après son départ. Salif avait l’air heureux.
— Tu vois, Oumou Gounou, en embarquant à Tombouctou, Chiara était naïve. Sous ce baobab, elle est deve nue une sage comme nous……
— Une sage sous le baobab… C’est un peu long comme nom.
Oumou Gounou lui sourit. Elle lui donna de la goré, une noix de cola que l’on réservait aux anciens du village en signe de respect.
— Si tu me le permets, je t’appellerai Nomo, le génie de l’eau. Comme ça, tu n’oublieras pas qu’un puits, c’est une bonne chose mais un puits, des hommes et des femmes, c’est encore mieux.
Chiara sourit et accepta avec respect la noix que lui tendit Oumou Gounou, heureuse d’être devenue Nomo, le nouveau bon génie de l’eau d’Endé, village du pays dogon.
Ce conte est basé sur des anecdotes et histoires des personnes rencontrées au Mali, de Tombouctou, Mopti et en pays dogon, mais aussi le fruit de discussions avec des associations de terrain, des ONG et des bailleurs de fonds. Tabaski : fête de l’Aïd-el-Kebir plus connue sous le nom de « fête du mouton », commémore la soumission d’Ibrahim symbolisée par l’épisode où il acceptait d’égorger son fils Ismaël sur l’odre de Dieu
Méditation-Voyage
Ton voyage
La nuit, des enfants munis de seulement deux lampes de poche formèrent un cercle et des chants émanèrent sur le chemin.
Un jeu d'ombre et de lumière.
Sur la route, les étoiles mystérieuses.
En secret, le voyage se gravait comme un moment éternel déjà écrit par des lucioles lumineuses qu'un halo reproduisait sans connaître la profondeur de son message.
Et déjà, les lampes s'éteignaient, les enfants continuaient de chanter avec le pas de leur propre itinéraire.
Dans la nuit, le sillon invisible.
Sur la vérité, le destin au rendez-vous.
Quel est ton voyage ?