Zineb, le voile des yeux
Sagesse berbère
Zineb est une jeune femme berbère ayant vécu au onzième siècle dans une tribu nomade affiliée aux Sanhadja. Elle se dit Iznagen, ceux qui descendent de Znag, le fils de Mazigh. Elle est amazighe, elle est arabe, elle est devenue musulmane avec l’islamisation de son désert, de ses montagnes, de ses rivières. Elle ne porte pas de grief contre leur chef, tout évolue dans la vie. Elle croit toujours en la « source de l’eau », une tradition qui consiste à célébrer la pluie. Ses yeux de chats sont perçants. Sa peau blanche satinée dévoile une croix et des points tatoués sur son visage. Elle porte une voile qui protège du soleil et qui l’accompagne lors des longues traversées chaudes.
Zineb a beaucoup voyagé. Ses voiles racontent les migrations de son peuple. Elle se rappelle la source bleue où elle a grandi avec sa mère. Elle se trouvait dans un désert de pierres qui symbolise l’Egypte, le fondement de leurs rituels et leurs premiers Dieux. Elle est partie à l’Ouest où elle a trouvé les déserts blancs au bord de la mer Méditerranée. Des colonnes de pierres narguaient les étoiles en l’honneur des dieux romains, ces hommes qui les prenaient pour des esclaves. Puis elle a visité les déserts des montagnes du Rif où le thé chante avec le sucre de la vie. Elle a goûté les chants insoucieux des nuits étoilés qui mènent à l’ivresse de la Terre. Elle a suivi le sillon du désert rouge orangé et des oasis des Touareg. Elle a vu les déserts qui ouvrent sur Tombouctou et sur le plateau de l’Adrar en Mauritanie où elle a vécu la conversion de son peuple. Elle a ouvert ses yeux sur les temples, ceux des Chrétiens, ceux des Juifs, ceux des Musulmans et elle a su que le véritable voile était celui du jugement.
Le litham signifie le voile ou le cache-nez en arabe. En langage des oiseaux, il est le lit de l’âme, celui qui délie la vérité de chacun d’entre nous. Il est le chèche des touareg, le voile traditionnel qui indique le respect, le respect de soi, le respect de l’autre, le respect de la nature. Il couvre la tête pour montrer la nature véritable de la femme. Blanc ou noir, il est coiffé d’une parure qui illumine le visage. Des fleurs, des perles, des broderies, des métaux, il dévoile notre préciosité. Il incarne notre vie et la continuité de la vie. En portant ce voile au fil du temps et des temps, les yeux apprennent à regarder au-delà des voiles des différences et retrouver le voile universel qui forme notre héritage commun.
Je porte le voile des yeux
pour regarder l’âme qui habille ton être de vie.
Aujourd’hui, Zineb chuchote le secret de sa sagesse :
« Je suis la fleur du regard, la fleur de la vie, la fleur du voile qui dessine les horizons de mes voyages. Avec le voile brodé sur ma tête, j’ai appris à persévérer dans le brouillard de la chaleur, dans la froideur des nuits du désert, dans la continuité de la transhumance. Avec le voile sur mes yeux, j’ai appris à regarder mes racines, mes héritages et mes valeurs. J’ai mis de la distance avec l’extérieur qui jugeait mes ancêtres et je me suis convertie à moi-même. Je suis devenu le voile des yeux, celui qui regarde avec la profondeur de l’émotion qui se dévoile dans les yeux étoilés de l’être aimé, de l’amour de l’autre, de l’âme qui vit au fond des iris de chacun. »
Le peuple berbère est un ensemble de peuples d’Afrique du Nord et qui a pratiqué différentes religions avant de se convertir majoritairement à l’Islam. Certains berbères sont juifs, parfois chrétiens et païens.